Charlotte Lavandier
Entre frontalité et métaphore, Charlotte Lavandier conçoit sa pratique comme une pièce à conviction. Elle questionne notre rapport à l’héritage génétique, social et politique en extirpant des bribes rêches du réel qui mettent en lumière ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne voit plus. Elle s’interroge et pousse le public à en faire de même, sur les tabous et les refoulements qui façonnent l’image de soi et son exposition à l’autre. Elle tente ainsi de faire émerger une parole étouffée, des lieux et des regards de vies soumises à la cruauté dans son sens large. À travers les photos d’un centre de demandeurs d’asile, une feuille d’arbre albinos, une pellicule super-8 vendue au marché aux puces, une série de robinets… elle témoigne de la complexité et de la singularité afin de s’opposer à la normalité. Son geste artistique est une forme de résistance face à ce qui nous maintient immobiles et prisonniers et elle s’intéresse, en ce sens, à ce qui différencie et conditionne l’espace public et l’espace privé.
Par ailleurs, elle accorde une attention particulière aux éléments spatiaux qui relèvent de la banalité mais qui n’en demeurent pas moins chargés sur le plan sémantique et sémiologique. Elle s’empare du toucher, de l’odorat, et de l’ouïe (odeur des matelas, sons étouffés, frottement de la tête sous le faux plafond…) afin de donner à ressentir la violence symbolique qui s’exerce au-delà des frontières du visible. À travers ses installations, elle tend à éloigner les spectateurs de leur posture contemplative. À cet effet, celles-ci les placent dans une position d’inconfort physique et/ou mental qui provoque un déséquilibre propice au questionnement. Les corps solitaires s’éprouvent et font l’expérience d’être contenus dans des espaces étroits dont l’emprise déclenche une forme de lutte.