En résidence aux RAVI d’octobre à décembre 2024
Pratiquer la transparence.
Johanna Van Overmeir n’est pas intimidée par les défis. Totalement engagée dans son activité artistique, elle s’épanouit librement et avec sincérité. Impressionnante dans la performance «Janus» donnée à l’occasion de la Biennale de l’Art Contemporain de Moscou en 2015 et forte d’une préparation intense avec des circassiens, JVO évolue à plusieurs reprises durant des sessions de quatre heures consécutives sur une balançoire accessible par une échelle à deux mètres cinquante du sol. Revêtue d’un masque fixé derrière la tête, incarnation métaphorique du dieu romain Janus, l’artiste oscille énergiquement entre la dualité, la transition, la temporalité et la renaissance jusqu’à perdre l’équilibre et qu’il soit nécessaire d’enfin mettre un terme à l’événement.
Pour sa performance «Shapes of Memories» livrée au festival PINKHOUSE à Anvers en 2016, l’artiste inonde une grande fenêtre de baisers, les lèvres enduites de rouge. Elle évolue en ligne, comme une imprimante, composant une partition colorée en pressant sa bouche de façon répétitive, avec délicatesse et insistance. Elle porte inlassablement le bâton de rouge à ses lèvres et ses lèvres au support. L’artiste utilise son corps et un produit cosmétique pour évoquer la nature éphémère et superficielle de la beauté. C’est une mélodie à la vulnérabilité, à la persistance, à la volonté et à l’amour. La générosité absolue de JVO offre un moment suspendu dans le temps et chaque baiser est un précieux cadeau.
À l’occasion de sa résidence aux RAVI, JVO a notamment approfondi son concept de fiches identitaires, «INNER PORTRAIT», basé sur la collecte d’informations personnelles concernant six personnes qui se sont prêtées à l’expérience. Fiches qu’elle utilise pour initier ou faciliter les interactions entre ces individus, tisser des liens et créer des réseaux. Méticuleuse et structurée, la plasticienne dissèque les faits, conjugue les résultats et examine les signes. «Je m’emploie à mener mes investigations à la façon d’un enquêteur criminel», explique JVO, «ceux qu’on voit dans les séries, intrigués par le moindre détail» ajoute-t-elle. Sa pratique se caractérise par des alternances entre la récolte d’éléments purement scientifiques ou para-scientifiques et des interprétations esthétiques de ces données.
«L’astrologie représentée par une carte du ciel, la palmographie avec les mains jointes et les pouces orientés vers l’extérieur, un relevé du profil à partir d’une photographie du sujet, ensuite la numérologie basée sur la date de naissance et la génétique en pourcentage des origines ethniques ainsi que la géographie avec un relevé des frontières de la ville natale constituent une base de travail destinée à chacune des fiches identitaires», explique l’artiste. Elle invite également les six sujets d’étude, à savoir Jason, Marleen, Anastasiia, Danielle, Hamilton et Cynthia à partager un souvenir mémorable et à choisir la musique qui incarne leur personnalité pour compléter les fiches. Le protocole très complexe n’est toutefois pas ici abordé dans sa totalité.
JVO utilise des techniques mixtes, elle combine dessin, peinture, photographie et collage pour représenter, pour donner forme à tous ces paramètres et les rassembler sur un grand plexiglas rectangulaire. Elle place ensuite un second plexiglas sur le premier pour renfermer son œuvre et la protéger. L’idée est de créer une sorte de lame de microscope géante, agrémentée d’un couvercle protégeant un échantillon.
Accrochés sur le mur, ces objets servent à déployer un réseau mais quand ils ne sont pas activés, ils peuvent simplement être compilés et archivés. Lorsque le dispositif est installé, le réseau s’établit d’un plexiglas à l’autre, d’une fiche à l’autre par des connexions formelles. Les informations, les lignes, les structures et les silhouettes se manifestent, s’enchevêtrent, se superposent pour questionner notre rapport au monde, notre altérité et pour explorer nos liens au réel et au virtuel.
«Afin de compléter ce projet que j’ai intitulé «NOSTRA», j’aimerais effectuer une réduction numérologique en impliquant tous les nombres de chemin de vie et je voudrais tracer le schéma du parcours le plus direct reliant leurs localités en utilisant la couleur rouge qui est la dominante parmi les composantes des drapeaux nationaux des sujets.
Pour le titre, j’ai effectué des calculs avec les lettres des noms complets des participants et «NOSTRA» est le mot formé avec les plus récurrentes», précise JVO qui adaptera, à l’occasion du vernissage, l’installation participative «Heart In Fact», oeuvre à l’origine du projet «INNER PORTRAIT».
Imaginons un instant qu’elle soit sollicitée pour évaluer l’intensité lumineuse de l’explosion d’un feu d’artifice, Johanna Van Overmeir se baserait certainement sur l’amplitude des sourires des enfants. Elle s’armerait de matériel de mesure scientifique et, pourquoi pas, d’un scanner !
Une artiste authentique qui éclaire nos âmes.
Michael Dans

